Vainqueur du premier concours sur l’innovation des pratiques d’audit organisé par la CNCC – le HackAudit – la Start-up Intelligent Audit (IAudit) s’apprête à lancer son logiciel intitulé « PI 2020 ».
Fondée par de jeunes professionnels, collaborateurs ou associés d’un cabinet d’audit et d’expertise comptable traditionnel, la start-up IAudit promet de révolutionner l’approche d’audit et la relation entre les cabinets et leurs clients.
Pour le moment, PI 2020 n’est pas commercialisé malgré les nombreuses demandes de professionnels du secteur. Mais, les équipes d’IAudit comptent bien passer à la vitesse supérieure et présenter une version « Beta » aux prochaines Assises de la CNCC qui se tiendront à Marseille du 29 au 30 novembre 2018. Au cours de l’été, nous avons rencontré deux des membres d’IAudit – Iris Alonso et Romain Badé – pour en savoir plus sur l’engouement pour cet outil si prometteur.
Lab50 : Quels sont les constats qui vous ont amené à vous lancer dans ce projet ?
Nous pouvons citer trois constats.
Le premier est lié aux évolutions numériques qui sont aujourd’hui, dans certains métiers, omniprésentes, à commencer par la médecine et l’agriculture. Ces solutions technologiques s’avèrent, sur plusieurs aspects, plus efficaces que l’homme. Un concours récent, en Chine, a par exemple mis en évidence qu’une intelligence artificielle pouvait être plus précise et plus rapide que les médecins pour diagnostiquer des tumeurs cérébrales à partir de radios et d’IRM.
Rapporté aux métiers du chiffre, l’évolution numérique est aussi dans nos esprits depuis de nombreuses années.
Le deuxième constat est lié aux évolutions réglementaires. Dernière en date, le projet de loi Pacte et ses conséquences sur le marché de l’audit.
Le troisième et principal constat vient des attentes des entreprises et des organisations. Ces dernières sont tournées de plus en plus vers l’instantané. En cause, l’accès rapide à la documentation technique et différents experts qu’ils soient internes ou externes. Par conséquent, lorsqu’elles s’adressent à leurs CAC, elles ont besoin de réactivité, d’une information de manière quasi immédiate.
Pour répondre à ces constats, on peut imaginer des solutions numériques.
Qu’est-ce qui distingue votre outil ?
Au cours de nos différentes expériences, nous avons échangé avec de nombreux clients, dirigeants ou directeurs financiers. Nous avons pu ainsi identifier leurs nouveaux besoins.
Un grand nombre d’entre eux perçoivent l’audit légal comme une mission très standardisée et sont à la recherche d’un accompagnement dans la maîtrise des risques plus poussée de la part des commissaires aux comptes. Ainsi, la solution que nous proposerons répondra avant tout au besoin d’instantanéité avec un système d’audit en temps réel.
Nos clients seront des cabinets d’audit et d’expertise comptable qui mettront la solution à la disposition de leurs clients. A travers une panoplie de services à forte valeur ajoutée, PI 2020 permettra à ces derniers, de s’assurer que leur processus comptable est sous contrôle d’un point de vue réglementaire, et d’être alertés en cas de fraude potentielle.
Nous sommes convaincus que notre solution aidera ces cabinets à développer de nouvelles missions à forte valeur ajoutée et ce, de façon assez simple. Car le métier d’auditeur légal a besoin d’évolutions qui seront rendues possibles notamment grâce à des outils d’aide à la réalisation de la mission. Nous pensons qu’avec notre solution, et plus précisément par l’automatisation et l’optimisation de tâches répétitives, très techniques à faible valeur ajoutée, nous libérerons du temps pour les équipes afin de proposer une nouvelle gamme de prestations et ainsi, permettre de créer une nouvelle ligne de revenus.
De la sorte, nous sommes persuadés que notre approche permettra de répondre aux enjeux de la profession.
Votre solution gère-t-elle les problématiques d’audit des systèmes d’information ?
Nous y avons pensé car techniquement l’intégration d’un audit des systèmes d’information est possible. C’est d’ailleurs l’un des travaux essentiels de l’auditeur de demain ! Mais dans le cadre de la commercialisation de notre première version nous préférons orienter nos efforts sur les travaux historiques du commissaire aux comptes. Ce volet devrait être intégré dans une 2ème version de la solution.
Vers quels types d’experts vous êtes-vous tournés pour développer l’outil ?
Notre première place au concours du HackAudit nous permet aujourd’hui d’être entourés d’experts en blockchain, cloud ou encore expérience utilisateur. Ces derniers nous aident à structurer nos idées et à donner naissance à notre solution.
Ces experts nous permettront également de répondre à l’un de nos objectifs, à savoir, faciliter la tâche des auditeurs. Cela passe par la mobilité de l’outil grâce au cloud et par sa prise en main grâce à l’expérience utilisateur (UX).
Grâce à quels types de technologies votre solution fonctionne t-elle plus précisément ?
Notre solution embarquera plusieurs technologies :
Tout d’abord, le cloud. Nous avons souhaité développer une solution accessible n’importe où à l’aide d’une simple connexion internet. Ce support est devenu un incontournable pour les cabinets.
Ensuite, les algorithmes. Notre solution reposera sur la création de règles de calcul adaptées à nos métiers afin d’automatiser de nombreuses tâches effectuées par les auditeurs.
De plus, et sur ce que nous pouvons dévoiler aujourd’hui, nous réfléchissons à intégrer également du machine learning à notre solution. Plus précisément, cette technologie serait déployée dans le cadre de la détection des fraudes afin de réduire les risques d’audit. Mais cela implique d’avoir au préalable un certain recul sur les données, qu’elles soient en quantité suffisante et structurées, basées sur une pratique de l’audit organisée et référencée permettant d’identifier par exemple là où se situeraient des cas potentiels de fraude.
Enfin, nous utiliserons la blockchain pour stocker des informations de manière sécurisée et cryptée. Car dans le cadre de leurs missions, les CAC et les EC collectent une masse importante de données dites sensibles obligeant à une extrême vigilance sur le stockage de ces dernières : localisation des serveurs en France, possibilité de les restituer rapidement aux cabinets qui en feraient la demande, compartimentage des données pour permettre aux cabinets et à leurs clients d’avoir des espaces bien séparés et non communiquant entre eux. Et la technologie blockchain nous aidera à répondre à l’ensemble de ces points.
Dans le cas d’une potentielle mise en œuvre du machine Learning, pensez-vous pouvoir utiliser des statistiques externes- et notamment des données sectorielles – pour enrichir vos données sources ?
Le machine Learning est une technologie très prometteuse. Elle nous permettrait d’enrichir l’analyse des postes comptables à l’aide de données externes, des statistiques par exemple. Cette fonction ne sera pas proposée dans la première version commercialisée. Nous nous pencherons sur ce sujet dans une version ultérieure car c’est un travail conséquent qui demande un certain recul et, effectivement, la création d’une base de données sectorielles.
Comment voyez-vous la profession en 2025 ?
Difficile de se prononcer pour l’ensemble de la profession. La profession est touchée depuis plusieurs années par différentes réformes réglementaires très dures. Et, les professionnels sont poussés à se remettre en question s’ils veulent rester sur le marché du commissariat aux comptes. D’autre part, l’expertise comptable ne sera pas épargnée par ces évolutions réglementaires. Il y a en effet un risque de déréglementation sur certaines missions. De plus, le métier peut être disrupté s’il y a une volonté politique et si de grands acteurs du monde informatique décident d’accélérer sur ce sujet.
Nous souhaitons ainsi nous positionner en tant qu’accompagnateur de la transformation numérique des cabinets.
Les cabinets n’ont pas d’autre choix que de prendre le virage numérique. Les instances devront développer les outils pour permettre au plus grand nombre de prendre ce virage.
L’espoir demeure : il y a un nom, un titre, une déontologie et des responsabilités fortes, des raisonnements plus pointus que les simples consultants.
Les professions ont parcouru du chemin depuis ces 20 dernières années et l’évolution se fait dans le bon sens car beaucoup de tâches sont aujourd’hui automatisées dans les cabinets, ce qui a permis de maîtriser les coûts et libérer du temps disponible aux professionnels pour accompagner davantage leurs clients. La question est donc de savoir comment la profession pourrait évoluer plus vite. A l’instar des USA qui ont une faculté très importante à innover, ou d’autres pays tels que l’Inde… la concurrence est forte !
On y tend mais à quelle vitesse ?
L’équipe lAudit :
- Iris Alonso
- Thomas Amar
- Romain Badé
- Edouard Chambon
- Maxime Delacroix