En créant la rubrique « mémoire du futur », le Lab50 a souhaité mettre en valeur et encourager les experts-comptables mémorialistes qui ont choisi d’approfondir un thème lié à l’intelligence artificielle. Et ainsi de mettre à disposition de la profession leurs travaux et œuvrer au bénéfice de tous. N’hésitez pas à les encourager en leur faisant part de vos retours d’expérience, le cas échéant.
Lab50 : Pouvez-vous vous présenter ?
J’ai 33 ans et je suis expert-comptable mémorialiste au sein du cabinet FIFM, dans l’agence de Porto-Vecchio en Corse-du-Sud. FIFM regroupe six cabinets, situés en Corse, la Côte d’Azur et la région parisienne. J’ai commencé à travailler il y a dix ans. J’ai auparavant évolué dans des cabinets nationaux situés à Nice, Paris et en Corse.
Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
Dès le collège, j’ai été attirée par les chiffres et le monde des affaires. A l’université, j’ai découvert le droit, matière qui m’a beaucoup plu. Je souhaitais également faire un métier dynamique dans lequel on accompagne les entrepreneurs. L’expertise-comptable était donc fait pour moi !
Cependant, j’ai trouvé que j’étais de plus en plus occupée à des tâches chronophages et sans valeur ajoutée qui m’empêchent de faire le métier tel que je le conçois. En cherchant une solution à ce « problème », mes recherches m’ont menées à l’intelligence artificielle. Selon moi, elle représente une véritable source d’opportunités.
Pouvez-vous nous expliquer ce que l’IA peut apporter au secteur de l’expertise-comptable et aux autres secteurs d’activité ?
Tout d’abord, l’automatisation de beaucoup de tâches va nous permettre de gagner un temps considérable. Ce temps, nous pouvons l’utiliser au bénéfice du client, pour justement encore mieux les accompagner en leur accordant plus de temps. Il y a aussi un bénéfice pour le collaborateur car il est délesté de certaines tâches jugées « ingrates ».
Une fois que nous aurons véritablement basculé dans l’intelligence artificielle, les missions que nous pourrons réaliser seront beaucoup plus vastes. Nous allons passer de l’analyse historique à l’analyse prédictive. Il n’est évidemment pas question de prédire l’avenir avec une boule de cristal, c’est pour cela que je préfère employer le terme « anticipation ». Les machines dépassent les capacités d’analyse humaine. En couplant des quantités importantes de données – financières et extra-financières – elles seront capables d’établir des modèles permettant d’anticiper certains évènements.
Cela va-t-il avoir un impact sur la relation client ? sur la responsabilité ?
La relation client va être améliorée. En effet, le client attend plus de réactivité, de disponibilité. La saisie comptable n’a plus de valeur à ses yeux. Grâce notamment à des missions d’analyse prédictive, nous allons pouvoir mieux le guider, l’accompagner. En revanche, qu’en sera-t-il de la responsabilité ? Si le professionnel conseille à son client de suivre telle ou telle recommandation émise par une machine, qui est responsable ? D’autant que l’IA est accusée d’être une « boîte noire » : nous avons les données d’entrée, les données de sortie, mais expliquer ce qui s’est passé entre les deux est quasi-impossible, encore plus pour un profane. Actuellement, il y a un vide juridique à ce sujet. En attendant une évolution du droit, le professionnel doit conserver un rôle de superviseur et peut éventuellement prévoir des clauses limitatives de responsabilité.
Quels seraient, selon vous et à ce stade de vos réflexions, les progrès à faire au sein de la profession ?
Je rejoins le constat fait par beaucoup qui est celui de mutualiser et exploiter nos données. Il serait peut-être intéressant d’emprunter des concepts tel que l’open-innovation qui se fonde sur l’intelligence collective. Par exemple, cela pourrait être de lancer un concours auprès de start-ups afin d’exploiter nos données et imaginer ensemble des nouvelles solutions.
Quels en sont les freins ?
Tout d’abord, pas assez de données exploitables. Il faut prendre conscience qu’il s’agit de « l’or noir » du XIXème siècle. Nous devons nous organiser autour de cette richesse que nous détenons afin d’en tirer la valeur ajoutée. Cela passe par la mise en place d’une stratégie data.
Ensuite, je dirai qu’il y a l’aspect « culturel ». D’une manière générale, l’IA fait peur. J’ai souvent entendu que quand la machine nous aura remplacé, c’est là que les soucis vont commencer. Je réponds à cela que nous ne serons pas remplacés, mais augmentés et que nous ne pouvons pas aller contre les évolutions technologiques. En revanche, nous pouvons les accepter afin d’en tirer les bénéfices. Pour cela, il faut s’y intéresser, comprendre le fonctionnement. Comprendre aussi les risques tels que ceux qui pèsent sur l’emploi. Beaucoup de cabinets emploient des opérateurs de saisie. Se pose alors la question de leur reclassement. Là se trouve un important chantier selon moi, celui du développement de nouvelles compétences, les fameuses soft skills. De plus, nous allons devoir être dans une logique d’apprentissage continu. Cela peut paraître paradoxal, mais l’IA est avant tout une histoire d’Humains.
Existe-t-il un marché pour ce type de mission ?
Les clients sont globalement assez intéressés par ces évolutions technologiques. Concernant tout ce qui touche la numérisation, l’accueil est favorable. Cela leur simplifie leur vie. Concernant les missions intégrant véritablement l’IA, cela n’est pas très concret pour l’instant et ils ont donc du mal à se projeter.
Comment, ceux qui liront cette interview, pourraient vous aider à progresser dans vos travaux ?
Je suis particulièrement attentive aux recherches et développements que font les éditeurs de logiciel. Si certains souhaitent me faire part de leurs travaux. De même, je suis aussi très intéressée par tout ce qui a trait à la formation et aux neurosciences afin d’étudier de nouvelles méthodes d’apprentissage.
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