En créant la rubrique « mémoire du futur », le Lab50 a souhaité mettre en valeur et encourager les experts-comptables mémorialistes qui ont choisi d’approfondir un thème lié à l’intelligence artificielle. Et ainsi de mettre à disposition de la profession leurs travaux et œuvrer au bénéfice de tous. N’hésitez pas à les encourager en leur faisant part de vos retours d’expérience, le cas échéant.
SOMMAIRE
- Quel est le thème de votre mémoire ?
- Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
- Quels principaux enseignements tirez-vous de votre travail ?
- Comment décririez-vous le cabinet du futur ?
- Quelles priorités pour les cabinets ?
- Comparaison Etats-Unis/France
- Un retard de la profession française ?
- L’IA comme problème d’éthique ?
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Lab50 : Quel est le thème de votre mémoire, qui vient d’être publié ?
Le thème de notre étude porte sur la transformation digitale des cabinets d’audit et d’expertise comptable. Ce fut l’une des thématiques proposées au sein de notre spécialisation à la Paris School of Business (ex-ESG Management School) parmi de nombreuses autres. Nous avons délimité notre étude à la problématique suivante : « Quel est l’impact de la transformation digitale sur l’organisation humaine et technique au sein des cabinets d’audit et d’expertise comptable ? » Autrement dit : « En quoi l’organisation humaine et technique des cabinets d’audit et d’expertise comptable est-elle confrontée à de profondes évolutions et quelles en sont les conséquences ? »
Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
C’est un sujet d’actualité qui occupe une place importante au sein de la profession.
L’environnement professionnel dans lequel j’évoluais dans le cadre de mon expérience en alternance m’a poussé naturellement à écrire sur ce sujet. Je travaillais dans un cabinet très avancé sur les outils de la digitalisation, n’hésitant pas à mettre en évidence la formation sur les logiciels et les outils bancaires comme ScanBank. Les échanges avec les professionnels travaillant sur ces problématiques m’ont permis de mesurer l’impact de la révolution numérique vis-à-vis d’une profession en pleine mutation.
Quels principaux enseignements tirez-vous de votre travail pour le futur des cabinets ?
Depuis plus d’une vingtaine d’années, en matière de réglementation européenne, le contexte a été très favorable pour entamer une dématérialisation devenue de plus en plus fréquente, à défaut d’être totalement généralisée aussi bien à l’échelle européenne qu’à celles des cabinets.
Une foule d’outils a été mise à la disposition des professionnels, conscients de devoir évoluer dans un monde en mutation permanente. C’est à partir de ces éléments que la transformation digitale s’est concrétisée à travers des technologies complexes, comme le Cloud Computing, le Big Data ou encore la Blockchain. Bien que ces technologies ne soient pas pleinement maîtrisées et que certains de leurs débouchés restent encore à développer, l’intelligence artificielle tend à venir compléter ces outils déjà existant et suscite un certain engouement. En somme, le futur des cabinets risque d’être de plus en plus mouvementé dans un premier temps (celui de l’adaptation), mais se construira en intégrant ces nouvelles perspectives de travail et de nouvelles problématiques liées à la gestion du risque aux méthodes traditionnelles et stables.
Comment décririez-vous le cabinet du futur ? Et plus particulièrement, dans ce contexte, quels atouts peuvent développer les plus petites structures ? Ne doit-on pas craindre que les professionnels disparaissent au profit d’automates capables de remplir l’intégralité de leur mission ?
Le cabinet du futur est un cabinet qui devra allier tradition, performance, adaptabilité, souplesse et mobilité. Pour ce qui est des petites structures, pour lesquelles il sera sans doute plus difficile de mettre en œuvre ces nouveaux moyens – pour des raisons économiques peut-être, notamment – , elles auront sans doute beaucoup à gagner à travailler sur un juste équilibre entre tradition et modernité. C’est-à-dire que, tout en intégrant à leur rythme de nouveaux outils, elles pourront se démarquer des grandes structures, justement plus impersonnelles, par un service de proximité, nécessairement encore très humanisé. Elles auront donc tout intérêt à travailler sur leur visibilité sur ce sujet auprès de certains clients, particulièrement réfractaires à ces évolutions. En proposant un double système modulable (dématérialisé ou non dématérialisé, au choix du client), elles pourront se démarquer et survivre.
S’il est évident que certains emplois (14%, selon une récente étude de l’OCDE¹) sont amenés à disparaître du fait de la dématérialisation, il me semble qu’il faut raisonner plutôt en termes de types d’emplois que d’emplois purs : si certains métiers peuvent disparaître, l’essentiel d’entre eux subira plutôt une évolution et une transformation dans les missions ou dans les process qu’une disparition pure et simple. Par ailleurs, au même titre que certains métiers rares car anciens, ils subsisteront de manière sporadique et leur rareté en fera aussi leur valeur.
Quelles sont, selon vous, les priorités que doit se donner un cabinet pour tirer le meilleur bénéfice de l’IA ? (Chabot, exploitation des datas…)
Avant toute chose, ne pas se précipiter sans avoir déjà bien réfléchi aux différents aspects de l’intelligence artificielle, en termes d’avantages technologiques, mais aussi en termes de risques et de contraintes déontologiques. Ensuite, prendre le temps de former les équipes, sans heurter les plus réfractaires, en respectant une conduite du changement efficace et humaine. Enfin, déterminer quels éléments de l’intelligence artificielle choisir, selon les besoins de la structure, de ses clients et de ses éventuels partenaires. On ne fait bien que ce que l’on maîtrise et ce qui nous convient : prendre le temps est donc le maître mot.
Vous travaillez désormais aux États-Unis… A comparer avec le contexte français, quelles sont les différences qui vous semblent les plus criantes ? Notamment en termes d’intégration des solutions issues de l’IA ?
Travaillant dans une structure utilisant encore trop peu les outils liés à la dématérialisation ou à l’intelligence artificielle tout en restant à l’écoute de ces nouveaux sujets, mais surtout n’étant aux Etats-Unis que depuis le début du mois de janvier 2019, même si je peux percevoir certains éléments, il me semble prématuré de vouloir établir une comparaison qui serait réellement signifiante.
En somme, considérez-vous que la profession française accuse un retard dans ce domaine ?
Pour rejoindre ce que je disais précédemment, mon expérience reste encore modeste.
Néanmoins, pour ce que j’ai pu en constater par moi-même dans le cabinet parisien où j’ai effectué mon alternance ou dans celui dans lequel je travaille actuellement, la France me paraît plus réflexive dans l’accueil de ces nouvelles technologies, de leurs implications et des perspectives qu’elles ouvrent.
Pour conclure, estimez-vous que l’IA puisse poser aujourd’hui un problème d’éthique à la profession ? Quel risque, à n’y prendre garde, de perdre son âme ?
Comme pour toute innovation, le risque zéro n’existe pas. Il va donc de soi que ce n’est nécessairement – ou du moins pas seulement – la technologie en elle-même qui pose problème, mais l’usage que l’on en fait. On doit envisager le fait qu’il y aura certainement des dérives à droite ou à gauche. Pour autant, si l’on se dote d’outils de mesure des risques, de contrôle de l’éthique et que chacun s’implique avec intégrité dans ce monde nouveau, rapide et parfois effrayant, aucune profession, y compris celles gravitant dans l’univers de la comptabilité et de l’audit, n’a de raison d’y perdre plus spécialement son âme qu’auparavant.
Restons vigilants mais soyons enthousiastes et « agiles » !
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